La Galerie des Terreaux
Daniel Mourre, Bernard Pelligand, Didier Burgaz, Joël Crespin, Catherine Ursin, Antonin Heck, Gaëlle Daudigeos, Palach Lodda, Lechenu, Jean-Yves Lefebvre.
13 Septembre 2021 – 28 Septembre 2021
« Arpentez les murs pour apercevoir une seconde la libellule dans cette immensité[1].»

Ce que j’étais en train d’arpenter c’était la ville de Lyon, revenant de la visite des Subsistances et de l’école des Beaux-Arts de Lyon, voilà que je tombe sur la place des Terreaux. J’aperçois une galerie, qui m’était encore inconnue. Une Biennale Hors Normes[2] s’y trouvait. En jetant un coup d’œil, je vois des peintures et des sculptures qui me font penser à George Baselitz ou encore à Jean Dubuffet. Cela ressemble à de l’art brut, et vous commencez à connaitre ma passion pour cet art particulier. Bien que certains artistes se revendiquent ici d’un art Naïf, ce n’est pas vraiment le cas non plus. Dans cette exposition les apparences sont trompeuses, mais on comprend leur amour de la matière. Malgré certaines sémantiques que les artistes essaient de faire émerger, c’est la texturalitée de leurs œuvres qui frappe.

Par exemple, Daniel Mourre nous parle d’effondrement et d’apocalypse. Mais c’est évidemment un travail sur l’empreinte de l’homme dans l’environnement qui l’intéresse. Il crée alors lui-même des traces abstraites, mais tout aussi concrètes, comme des traces d’ammonite dans la roche. Leur impression nous offre ici la possibilité d’une contemplation, d’un passé qui se trouve être notre présent comme notre avenir. C’est alors une œuvre sur le temps qui nous interroge sur le devenir de l’Homme[3].

Bernard Pelligand est lui un artiste multidisciplinaire qui joue des mots, des couleurs et des formes à partir de matériaux de récupération[4]. Il Snif, Snif, Snif, mais ses représentations picturales restent empreintes d’humours mêlés à une certaine dramaturgie. Doit-on rire ou pleurer, face à ces fresques grotesques ?

Didier Burgaz, est inspiré par l’automne et ses couleurs pour produire ses tableaux, son amour de l’impressionnisme et de Claude Monet ont été une telle source de joie, que l’artiste s’est empressé de capturer la nature avec son pinceau. Mais la maladie le prend et sa peinture devient pulsionnelle, violente, hachée en appliquant directement le tube d’huile sur la toile. S’inspirant alors de l’art brut, il se lance dans des portraits imaginaires qui expriment le plus souvent l’étonnement dramatique, proche de l’effroi d’où peut jaillir un cri de terreur et de détresse. Ces visages parfois défigurés sont là pour signifier l’homme détruit, enfermé, en proie à une immense déréliction[5].

Pour Joël Crespin, les éléments se colle, s’ajoute, s’accumule, presque frénétiquement, la toile devient le support de la recherche, une recherche de couleur, de texture[6], de forme. Un résultat étrange et énigmatique apparait.

Le « corps » se situe au cœur de l’œuvre de Catherine Ursin. Corps dessiné, sculpté, photographié, violenté, torturé, toujours percutant et brutal, liaison entre passé et futur, instant suspendu entre rupestre et sidéral, en mouvement perpétuel. Son Œuvre picturale dans la galerie est ici transgressive, hétéroclite, inclassable. Le corps est représenté dans toute sa monstruosité et sa marginalité.
Il est en effet dénaturé, mais renvoie toujours à la nature de l’Homme parce que revendiquer l’informe, c’est s’engager dans un travail des formes équivalent à ce que serait un travail d’accouchement ou d’agonie[7]. La défiguration corporelle est alors figuration du trauma, créant une homothétie entre le vécu et le corps, témoin mutique signifiant au-delà des mots. Hypertrophié et déformé, d’acrylique et de plastique, de pierre et de fer, de chair et de sang, le corps, exploré sous toutes ses coutures, se fait expérience primaire, première blessure, motif universel et archétypal[8]. Catherine Ursin nous ouvre alors son âme, et nous invite à une magistrale catharsis[9].

Antonin Heck, développe dans son travail la sculpture, le dessin, l’illustration, la scénographie. Dans la galerie il nous propose ici des sculptures en bois, matériaux qu’il connait bien, puisque charpentier il a été. Avec ses figures humaines, il travaille sur la transversalité du fonctionnement du matériau bois et produit des sculptures à la hache. Il nomme l’ensemble de ce travail, l’impact de la hache, et développe une technique de l’éclatement de la matière par l’impact[10].

Gaëlle Daudigeos nous présente des créatures fantastiques, malfaisantes, des représentations du monde actuel. Elle questionne alors notre rapport au monde et à l’altérité[11]. L’artiste est dans cette recherche d’un art Brut qu’elle explore auprès de patients de l’hôpital du Vinatier. Une recherche dont elle puise aussi son inspiration dans l’utilisation de la matière de ses poupées, presque vaudou et magique.

Enfin, Palach Lodda peint des personnages qui racontent une émotion, une ambiance, une rêverie. Ils sont avant tout l’expression d’une recherche à l’aspect brut, imparfait, taché.
Les artistes ici sont alors dans cette compréhension et perception de ce qu’est l’art brut. Ils réfléchissent aux dispositifs à mettre en place pour expérimenter un art Naïf, alors plus profond et personnel.
Vous avez à présent toutes les clefs pour découvrir ces artistes bruitistes qui réfléchissent, du 13 septembre 2021 au 28 septembre 2021.
Amaury Scharf, Le champignon d’art, Article « 9ème édition de la Biennale Hors Normes » – 13 Septembre 2021 – 28 Septembre 2021.
[1] https://www.art-horslesnormes.org/index.php/event/vernissage-exposition-collective-galerie-des-terreaux/
[2] https://www.art-horslesnormes.org/wp-content/uploads/2021/07/PROGRAMME-9BHN.pdf
[3] https://www.danielmourre.com/empreinte_daniel_mourre_rouille_impact_artiste_plasticien.e.htm
[4] https://extranet.artetpatrimoine.art/artist/398
[6] http://www.joelcrespin.com/bibliographie/
[7] Georges DIDI-HUBERMAN, La Ressemblance Informe, 1995 cité dans, https://www.univ-lyon3.fr/catherine-ursin-artiste-plasticienne-poetesse-performeuse
[8] Guillaume BRAQUET, Professeur agrégé, doctorant, Université Jean Moulin Lyon 3 cité dans, https://www.univ-lyon3.fr/catherine-ursin-artiste-plasticienne-poetesse-performeuse
[9] Lawrence GASQUET, Professeur des Universités, Université Jean Moulin Lyon 3 cité dans, https://www.univ-lyon3.fr/catherine-ursin-artiste-plasticienne-poetesse-performeuse
[10] https://antoninheck.com/Biography
[11] https://www.bullesdegones.com/agenda-45531-D%C3%A9sirs%20chim%C3%A8res%20.html