La Fête des Lumières

La Fête des Lumières

6 décembre 2018 – 9 décembre 2018

Du jeudi 6 au dimanche 9 décembre c’est la Fête des Lumières, une proposition somme toute onirique et féerique mais tout aussi artistique. La lumière et l’art partagent une histoire commune, de la représentation des premières peintures rupestres aux différentes techniques picturales du clair-obscur à la technique photographique. Des artistes comme Man Ray et des installations entre ombre et lumière comme celle de Christian Boltanski parsèment l’histoire de l’art contemporain. Aujourd’hui la ville de Lyon et les artistes invités récupèrent cet héritage pour faire rêver les passants dans des projections sonores et lumineuses fantastiques non sans lien avec cette fameuse notion d’hétérotopie. Je vous propose ici mon top 7 des installations à ne pas manquer dans un ordre cohérent pour une balade des plus agréables.

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Encor-Studio, Frontier, 2018

Nous débutons notre parcours à la Fondation Bullukian qui accueille Frontier de Encor-Studio. Une installation composée d’ondes lumineuses et de vibrations sonores transformant la surface d’un bassin aquatique[1]. L’œuvre dialogue entre l’espace et le public, une dualité entre l’eau et la terre, mais aussi entre l’ombre et la lumière. Les néons deviennent des lignes de lumière découpant l’espace et créant de nouvelles frontières entre les visiteurs présents autour du bassin. D’abord doux et calmes, les lumières et les sons n’en finissent pas de s’emballer de façon aléatoire comme si ces frontières faites pour comprendre les différents éléments autour de nous n’étaient plus que des agressions visuelles qui dans leurs accumulations perdent tout leur sens. Une désorganisation[2] naît de cette géométrie contrôlée, l’installation prend vie et devient organique, respire et s’essouffle, le souffle est alors représenté par le canon de fumée.

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Inook, Une petite place pour de grands rêves, 2018

Les Anooki de Inook sont d’immenses personnages présents sur la place Bellecour. Elle devient une chambre d’enfant, la statue de Louis XIV à l’échelle des Anooki est un petit soldat de plomb, le camion de pompier, un jouet. Une vision hétérotopique de l’homme-enfant qui réinvente le monde, l’emplit, l’enclot et s’y enferme[3]. Nous nous immergeons dans cette chambre géante et devenons nous-même des jouets. Nous pouvons nous libérer de nos mouvements programmés. L’immersion produite s’apparente alors exactement aux jeux d’enfants[4]. L’immersion ludique du spectateur se fait donc par contamination affective[5]. « Jouer à croire, à se faire croire ou à faire croire aux autres qu’il est un autre que lui-même. Il oublie, déguise, dépouille passagèrement sa personnalité pour en feindre une autre[6] ».

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Merovee, Réflexions, 2008

S’inspirant de 2001 l’Odyssée de l’espace, Réflexions de Merovee se compose de 3 monolithes réfléchissants au milieu de la cour du Midi[7]. Hymne à l’espace du Grand hôtel-Dieu, prônant une histoire du lieu qui semble au premier abord narcissique. Toutefois l’artiste musicien reproduit une ambiance de club, éloignée de l’élégance magistrale que le lieu se donne. On est face à une scène puissante et aussi violente. Placée en contrebas, l’installation est aussi une arène de combat, ou les lumières et les sons luttent dans cet espace cloisonné dans un XXIIème siècle fantasmé.

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Mr.Beam, Keys of Light, 2008

Dans le jardin du musée des Beaux-arts, un piano trône à côté de la fontaine. Keys of light est une installation interactive où grâce à une combinaison d’algorithmes, le pianiste déclenche la projection d’une composition lumineuse sur les façades de l’édifice et de la végétation[8]. La mélodie s’anime visuellement, mettant au défi le pianiste d’explorer les harmonies entre musique, animation et architecture. C’est une œuvre modulaire multidimensionnelle[9] qui se réinvente constamment. On est confronté à une véritable expérience immersive, « Ce que nous appelons classiquement « immersion » signifie simplement être à un monde d’action et de perception nouveau, rendu possible par un dispositif technique[10] ». On est alors en immersion, en situation réelle et « l’individu s’adapte au dispositif en modifiant sa perception[11] ». On observe le lieu de façon de manière synesthésique où les couleurs sont des sons et les sons des formes. C’est parce qu’il y a une confrontation entre ces deux situations que l’on peut parler d’immersion[12]. On est à la fois dans une immersion contemplative et participative[13].

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Nicolas Paolozzi, Abyss, 2008

Sur la place Louis Pradel, les arches de lumière de Abyss forment la dorsale d’une créature chimérique monumentale que l’on croirait échappée d’un roman de Jules Verne. L’artiste invite le public à se rassembler sous son œuvre qui s’inspire du principe de bioluminescence dont sont dotés certains êtres aquatiques[14]. Entrer dans le ventre de cette créature symbolise le passage d’un seuil. Le passage du seuil permet alors d’accéder à une sphère de renaissance, pour Joseph Campbell, symbolisé par le ventre, tout aussi vaste que le monde, celui de la baleine. Ainsi le passage d’un seuil est une forme d’annihilation de soi, pour symboliser une renaissance. C’est la disparition du corps dans un nouvel espace comme l’entrée dans un temple avec pour finalité de se revivifier. Le ventre de la baleine est le temple intérieur du questionnement de soi. C’est une image de l’acte, qui recentre la vie, qui la renouvelle. Mais l’on revient de cet espace, ce qui montre qu’il n’y a rien à craindre. On entre au cœur de cette hétérotopie comme l’a définie Foucault, se créer un espace à soi pour se retrouver, c’est la cabane utopique[15]. Ces cabanes, ces ventres de créature incroyable servent à s’inventer des histoires, à se construire soi-même, à jouer à être un autre.

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Creatmosphere, Lumière en soi(e), 2008

Lumière en soi(e) est d’une poésie sans nom, 300 lanternes à énergie solaire reliées d’un tissage de rubans électroluminescents, recouvrent la place Gabriel Rambaud[16]. Chaque lampe est unique et renvoie des motifs différents qui confèrent aux lieux une ambiance apaisante. Ces lanternes ont été remplies par les « exclus » du quartier pour leur permettre de s’exprimer à nouveau. On entre alors dans un espace poétique mais tout aussi brutal. Ce sont des lumières de vie qui suspendues au-dessus de nos têtes nous invitent à nous poser. Un enregistrement poétique raconte la situation de ces laissés-pour-compte qui malgré le fait qu’ils soient en marge de la société, sont comme nous des Hommes ou peut-être même plus, des sages qui savent tout de nos futiles déplacements quotidiens. On les retrouve dans l’espace sous forme de lumière là où quotidiennement nous les ignorons telle des ombres.

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Ocubo, Pigments de Lumière, 2008

Ocubo propose avec Pigments de Lumière, la création de tableaux abstraits grâce à la diffusion dans l’eau, de pigments, d’encres et de fleurs. Ces derniers précipités dans le liquide, produisent des effets visuels inattendus[17]. La cathédrale Saint-Jean devient la surface d’un spectacle contemplatif et immersif jouant avec l’iconographie de Lyon et une distorsion de format et de temps. La cathédrale semble se transformer sous nos yeux dans une évolution temporelle, mais aussi spatiale, nous voyageons avec l’édifice comme nous avons voyagé à travers la ville et ses différentes facettes grâce au parcours que je vous propose.

Vous avez à présent toutes les clefs en main pour contempler la poésie lumineuse de la ville de Lyon du 6 décembre au 9 décembre 2018.

Amaury Scharf, Le champignon d’art, Article « La Fête des Lumières » – 6 décembre – 9 décembre 2018.

[1] http://www.fetedeslumieres.lyon.fr/fr/edition/edition-2018

[2] http://encor.studio/FRONTIER

[3]Cf. Roland Barthes, Mythologie, Paris, Seuil, 1970, p.86

[4]Cf. (Dir.) Bernard Guelton, Fiction et Médias, intermédialités dans les fictions artistiques, Paris, publication de la Sorbonne, Collection Art et monde contemporain, p.08

[5]Cf. Jean-Marie Schaeffer, Pourquoi la fiction ?, Paris, Seuil, Septembre 1999, p.43

[6]Cit. Roger Callois cité par Renée Bourassa, Les fictions Hypermédiatiques, Mondes fictionnels et espaces ludiques, des arts de mémoire au cyberespace, Montréal, Le Quartanier, Erres-Essais, 2010, p.233

[7] http://www.fetedeslumieres.lyon.fr/fr/edition/edition-2018

[8] Ibidem

[9] https://mrbeam.com/work/keys-of-light/

[10](Dir.) Bernard Guelton, Les figures de l’immersion, Rennes, Edition Presse universitaire de Rennes, Collection Art contemporain, 2014, p.11

[11]Op. Cit. (Dir.) Bernard Guelton, Les figures de l’immersion, p.34

[12]Cf. (Dir.) Bernard Guelton, Les figures de l’immersion, Rennes, Edition Presse universitaire de Rennes, Collection Art contemporain, 2014, Partie de Bruno Trentini, p.35

[13] Ibidem  p.39

[14] http://www.fetedeslumieres.lyon.fr/fr/edition/edition-2018

[15] L’utopie est Construction imaginaire et rigoureuse d’une société, qui constitue, par rapport à celui qui la réalise, un idéal ou un contre-idéal.

[16] http://www.fetedeslumieres.lyon.fr/fr/edition/edition-2018

[17] Ibidem

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